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Assurance-vie : la clause bénéficiaire est tout sauf un détail !
La clause bénéficiaire en cas de décès… C’est le genre de case que l’on coche sans réfléchir lors de la souscription d’une assurance-vie. Souvent, va pour la première ligne proposée, qui prévoit que les capitaux seront versés au conjoint ou, s’il n’est plus de ce monde, aux enfants. Vite remplie, vite oubliée. Résultat : les dispositions peuvent ne pas être adaptées à la situation de l’assuré et de sa famille.
Cette clause bénéficiaire mérite toutefois bien mieux que quelques secondes d’attention. « C’est l’équivalent d’un testament, rappelle Clémence Rytlewski, fondatrice du cabinet de conseil Ambacia Patrimoine. C’est cette clause, aussi, qui permet de profiter des avantages fiscaux de l’assurance-vie, car sans elle, les capitaux tombent dans la succession et sont taxés comme celle-ci. Enfin, elle permet de s’écarter, si besoin, et dans une certaine mesure, des contraintes du code civil liées à la réserve héréditaire. »
Premier réflexe : il est primordial de bien réfléchir aux personnes que l’on souhaite favoriser avec l’argent de l’assurance-vie et à l’intérêt d’utiliser l’assurance-vie pour le faire. « Vous êtes libre de désigner celui ou ceux que vous souhaitez », rappelle Nathalie Bardet, ingénieure patrimoniale à la Financière Arbevel. Mais le choix du conjoint comme bénéficiaire, par exemple, supprime tout intérêt fiscal à l’assurance-vie en matière d’héritage : le conjoint survivant n’étant pas soumis aux droits de succession, il ne pourra, en toute logique, pas profiter des exonérations.
Une liste des priorités
Ne vaut-il pas mieux en faire profiter d’autres héritiers qui, eux, seront soumis aux impôts, tels que les enfants, les petits-enfants, voire des personnes avec lesquelles vous n’avez pas de lien de parenté et qui sont taxées à hauteur de 60 % sur les successions ?
Il faut aussi chercher à optimiser la clause en profitant de toute la souplesse qu’elle apporte. Il est possible, par exemple, de nommer plusieurs bénéficiaires qui se partageront les capitaux, de manière égale ou inégale, alors que les clauses types prévoient de tout verser au premier bénéficiaire vivant.
Il convient par ailleurs de prévoir plusieurs rangs de bénéficiaires. L’objectif est de s’assurer qu’il y aura bien un proche pour profiter des capitaux. Il suffit pour cela de dresser la liste de vos priorités, en indiquant, entre chaque rang, les termes « à défaut ». Exemple de rédaction : « mes enfants, à défaut mes petits-enfants, à défaut mes héritiers ». Avec cette formulation, si vos enfants décèdent avant vous, ce sont leurs propres enfants qui recevront les sommes, et si aucun d’eux n’est en vie le jour venu, ce sont les héritiers définis par la loi (les arrière-petits enfants, les neveux et nièces, etc.) qui en profiteront.
Modification gratuite
« Il est également judicieux de prévoir la possibilité, pour un bénéficiaire, d’être “représenté” par ses propres héritiers en cas de prédécès ou de renoncement », ajoute Clémence Rytlewski. Ainsi, si l’un de vos enfants disparaît, ou s’il renonce au bénéfice de votre assurance-vie car il n’a pas besoin de cet argent, sa part sera versée à ses enfants.
Avec l’allongement de l’espérance de vie, cette disposition prend tout son sens pour « sauter » une génération et attribuer les capitaux aux plus jeunes de la famille. Il suffit d’indiquer dans la clause : « mes enfants, vivants ou représentés à la suite d’un décès ou d’une renonciation ».
Autre conseil : éviter les clauses tarabiscotées, comme on en voit parfois dans les testaments ! Elles rendent en effet difficile l’interprétation de vos volontés. Dans le doute, l’assureur refusera de payer les capitaux à quiconque et demandera l’intervention d’un juge pour démêler l’écheveau. Pas sûr que vos souhaits soient au final respectés…
Si vos besoins sont très spécifiques, rien ne vous empêche de consulter un notaire ou un avocat pour rédiger la clause, ou tout simplement de demander conseil aux services juridiques de l’assureur, qui sont rompus à ces analyses. La clause bénéficiaire rédigée à l’origine ne vous convient plus ? Rien de grave : il est possible de la modifier à tout moment, en informant l’assureur. Et c’est gratuit.
Une astuce pour optimiser la transmission
En présence de capitaux importants, ou dans le cas d’une famille recomposée, il peut être judicieux de prévoir un « démembrement » de la clause bénéficiaire de son assurance-vie. Il s’agit de séparer la nue-propriété (la possession) de cette assurance-vie et son usufruit (la jouissance). Via une clause bénéficiaire démembrée, le conjoint pourra, par exemple, être nommé usufruitier, afin qu’il puisse disposer de l’argent, et les enfants nus-propriétaires. Au décès de ce conjoint, les enfants récupéreront, sans droits de succession, la créance dont ils disposent. Dans ce cas, mieux vaut cependant s’entourer des conseils d’un professionnel pour la rédaction de la clause bénéficiaire, et imposer des contraintes au conjoint afin qu’il ne dilapide pas l’argent, si l’on souhaite que les enfants puissent recevoir quelque chose le jour venu. « Le même montage peut être utilisé avec des enfants usufruitiers et des petits-enfants nus-propriétaires », relève Clémence Rytlewski, d’Ambacia Patrimoine.
Par Eric Leroux - Publié le 29 mars 2021 à 06h00